Entretien avec Karim Serhane

Dolce Group : Bonjour Karim, vous êtes enseignant en Seine–Saint-Denis depuis une quinzaine d’années et depuis le début de cette décennie auteur. Comment conciliez-vous ces deux « carrières » ?

Karim Serhane : Avant tout, je suis enseignant et de ce fait, je consacre la majeure partie de mon temps à cette fonction. Toutefois, j’essaie de trouver un peu de temps pour écrire, activité qui me passionne. Je profite des vacances pour avancer dans mon aventure littéraire. Il m’est déjà arrivé de concilier les deux, par exemple, je devais travailler sur les expressions avec mes élèves. Ne trouvant pas un texte où je pouvais exploiter un nombre important d’expressions, j’ai inventé et rédigé une petite histoire qui en comptait plusieurs.

DG : Comment êtes-vous lancé dans l’aventure qu’est l’écriture de romans ?

KS : Cette formidable aventure a débuté par… accident !

Je dirai pour être plus précis que c’est dû à un accident de la vie. En novembre 2018, j’ai connu de gros problèmes de santé qui a nécessité une intervention chirurgicale en urgence. 

J’ai été arrêté pendant un an et je ne pouvais pas faire grand-chose à cette époque-là. J’ai acheté une liseuse et je me suis lancé dans un premier temps de manière effrénée dans la lecture (passion qui me dévore depuis bien longtemps). Je voulais échapper à ma condition et qui plus est, une autre intervention (pour compléter la première) devait avoir lieu quelques mois plus tard. 

Mais rapidement, la lecture n’était plus suffisante pour échapper à mes sombres pensées… Ma condition physique n’était pas encore rétablie, je voulais me lancer dans une nouvelle aventure inédite. La reprise du sport étant, de fait, exclue, je me suis essayé à un rêve longtemps réfréné : l’écriture. Dans un premier temps, c’était vraiment une cure personnelle, pour me changer les idées… Ma femme et mon entourage ont commencé à lire mon récit, l’histoire de ce tueur en série retord leur a plu et ils m’ont encouragé à poursuivre… Je ne pensais pas du tout me faire éditer…

DG : Le fait d’être professeur des écoles influe-t-il sur votre manière d’écrire ?

KS : Bonne question ! Je me la suis déjà posée. Mon métier influe sur ma vie, en tant que professeur, on se pose souvent des questions sur la manière de mener une séance ou d’utiliser des éléments du quotidien pour sa classe. Dans le fond, mes écrits ne sont pas influencés par mon métier car mes histoires ne sont pas pour les enfants. Mes élèves ont appris que j’écrivais (ils ont vu un article me concernant dans le magazine de la ville), ils ont insisté pour que je leur raconte mes romans : je leur ai dit « Hors de question ! Ce n’est vraiment pas des histoires d’enfant… ». Je ne voulais pas finir en prison… 😉  

L’influence transparaitrait plus dans la forme. Lorsque j’enseigne, j’essaie d’être précis et rigoureux. Je tente de transférer ces deux aspects dans mes écrits en rédigeant des scènes claires, comme si je devais les expliquer à un auditoire.

DG : J’imagine qu’une relation de confiance s’est instaurée entre votre éditrice et vous ? Comment la décririez-vous ? 

KS : À la base, mes deux romans (Servi par soi-même et la suite La Fabrique de l’Assassin) sont publiés chez les éditions Sydney Laurent. Mon troisième volume de la trilogie sera normalement également publié chez eux. J’ai connu les éditions Dolce et par la suite son éditrice Poon, par l’intermédiaire d’une amie que j’ai connue sur Internet : Dominique Impe. Elle a publié son premier roman « Bipo mais pas que… » chez Dolce. Une histoire forte et émouvante à la fois.

J’ai vu que son éditrice semblait proche de son auteure. 

Elle a pris contact avec moi pour proposer mon roman, La Fabrique de l’Assassin, au Dolce Découverte Awards. J’ai saisi l’opportunité qui m’était offerte et j’ai eu la chance de remporter cette compétition avec Pénellope. J’ai constaté que Poon était vraiment proche de ses auteurs et totalement disponible.

Elle m’a ensuite proposé d’écrire la préface du roman de SF pour jeunesse Voyage imaginaire dans le Cosmos de Pénellope Van Haver. 

DG : Vous avez reçu il y a quelques semaines un exemplaire de la réédition de conte initiatique Le Voyage Fantastique de Luciole, de Pénellope Van Haver. Quel regard portiez-vous sur l’initiative pédagogique originale de l’auteure, qui n’est pourtant pas institutrice ?  

KS : J’ai lu avec plaisir ce conte et j’ai trouvé de réels intérêts pédagogiques quant à la lecture de ce roman. Déjà, l’histoire est plaisante, ce qui est important (même primordial). De plus, l’idée du lexique et du quiz par QR code est à la fois innovante et pourvue d’intérêts. Les enfants aiment ce genre d’initiative et l’utilisation du numérique. Dans ma classe, j’ai un TNI (Tableau Numérique Interactif). Depuis que je possède cet outil, j’ai vu l’intérêt de certains élèves, qui d’ordinaire étaient peu motivés, décuplés face à l’utilisation du digital. Du coup, je suis convaincu que cette initiative pédagogique ne peut que trouver un écho favorable chez les enfants. Comme je le répète souvent, je n’oppose pas numérique et pédagogique. Il est indéniable que l’Internet en général et les réseaux sociaux en particulier peuvent être nuisibles et causer de gros problèmes. Néanmoins, il n’est plus possible de se passer des nouvelles technologies au XXIe siècle, il serait donc illusoire de croire qu’il faut qu’une personne soit totalement déconnectée du numérique. Elle souffrirait d’une sorte de carence numérique. Ce qu’il faut, c’est utiliser le digital à bon escient comme, par exemple, pour des questionnaires ou quiz en ligne… 😉

DG : D’ailleurs, vous avez accepté de préfacer son roman suivant Voyage Imaginaire dans le Cosmos, comment passe-t-on de romancier à préfacier ? En quoi votre regard d’enseignant est pour vous important dans l’initiative de Pénellope ?

KS : Autre question intéressante ! Lorsque Poon m’a gentiment demandé si je voulais préfacer ce superbe roman, j’ai à la fois été flatté et angoissé.

Lorsqu’un auteur écrit un roman, il s’implique personnellement. L’histoire, les lieux, les personnages et les situations se font siens. Nous vivons pendant tout le temps de l’écriture dans la peau de nos personnages. Lorsque nous écrivons une préface, l’exercice est totalement différent car tout ce monde imaginaire n’est pas le nôtre. Il faut se l’approprier, « se mettre à la place de… »
C’est ce que j’ai essayé de faire. J’ai imaginé comment Pénellope voyait son histoire, comment ses personnages prenaient vie. Du coup, cet artifice m’a aidé à écrire cette préface en utilisant mes différentes casquettes (enseignant et auteur).

Mon travail d’enseignant pour ce roman a été une nouvelle fois de « me mettre à la place de… » mais cette fois-ci, pas en tant qu’auteur, mais en tant que jeune lecteur.

Je m’imaginais revenu à mes 10 ans, plongé dans cette fabuleuse histoire et découvrir quel mot, quelle expression ou concept scientifique pouvaient me freiner dans ma lecture et dans ma compréhension. Ce travail collaboratif avec Pénellope et Poon devrait aboutir pour l’élaboration d’un quiz centré sur le langage et les sciences. 

Patience

DG : Que diriez-vous à vos collègues enseignants pour présenter cette collaboration qui ne fait que commencer ?

KS : Je dirai que cette collaboration est enrichissante et surtout très stimulante. Nous pouvons apporter notre vision, notre expérience à l’explication d’une œuvre littéraire. Non pas que je prétends avoir de meilleures connaissances pédagogiques que d’autres, loin s’en faut, mais il est toujours plaisant (et un peu déroutant, je dois bien l’avouer) de mettre un peu de nous-mêmes dans une analyse littéraire (aussi bien au niveau langagier que scientifique).

DG : Que diriez-vous à des auteurs qui découvraient Dolce Éditions et qui hésiteraient à soumettre leur manuscrit ? Et à des lecteurs qui découvriraient notre maison grâce à votre préface et/ou interview ?

KS : Allez-y ! Foncez !

Je me répète mais je trouve que la maison d’édition Dolce et son éditrice Poon sont vraiment proches de leurs auteurs. Nous avons échangé à de nombreuses reprises sur différents détails. Elle essaie de comprendre ses auteurs, n’est jamais dans le jugement. Dolce se veut être une maison d’édition à la fois éclectique et ouverte au plus grand nombre. De plus, le combat que mène Dolce sur la scène du handicap ne peut que forcer le respect.

Auteur et lecteur, même combat : prenez le temps de connaître Dolce et toutes ses filiales.

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